• I survived to the "O"

     

    Samedi, 13h30

    C'est décidé, nous partons aujourd'hui pour 5 jours de rando, 5 jours pour affronter le grand circuit du parc, celui qu'on appelle le O car il a la forme de cette même lettre. Avec les filles, nous décidons de prendre de l'avance car nos sacs sont lourds, chargés de nourriture et de l'équipement nécessaire. Les garçons nous rejoindront ensuite, Thierry est parti chercher des vivres supplémentaires à Puerto Natales.

     

     

    Ils seront accompagnés de Bruno, recrue de dernière minute que nous avions rencontré à Esquel, perdu de vue à El Chaltén et que nous avons retrouvé il y a deux jours à l'Hôtel du Parc.

     

    Le chemin jusqu'à Seron est facile, 12km, 4h de marche prévue et une centaine de mètres de dénivelé. Nous y allons tranquillement, sachant que les jours suivant ne seront sûrement pas aussi faciles. Arrivées au camping, le refuge est fermé comme prévu. Comme il n'y a pas de douche, je décide de faire un brin de toilette dans le « rio » d'à côté, armée de mon gant, mon savon et tout mon courage.

     

    20H30 tapantes, Thierry entre au camping. Les autres ne se font pas attendre longtemps. Portant des sacs plus lourds que les nôtres, ils ont réussi à réduire les 4h de marche prévisionnelles en 2 petites heures et demi. Après un bon repas, nous partons nous coucher sous les étoiles, laissant présager un temps clément pour l'étape suivante.

     

              

     

    Dimanche, 9h

    Le lendemain, nous remballons vite fait. 18Km et 6h de marche nous attendent. Je suis dans une forme olympique (comme souvent lorsqu'il y a peu de dénivelé). Après un début de rando assez calme, le vent nous retrouve malgré tout. Nous troquons les chapeaux de soleil et les lunettes contre la bonne vieille GoreTex. Les paysages sont magnifiques et nous prenons le temps de les contempler.

    Chacun avance à son rythme dans notre petite équipe de 6. 

    Nous nous retrouvons tout de même pour manger ce que nous a donné le chef du resto en bas. Le froid nous fait reprendre la route. Nous arrivons tranquillement à 17h dans un camping au milieu d'une prairie. 

     

    La dernière descente est ardue mais je suis ravie de l'endroit. En plus, nous ne payerons pas, grâce à Andrès, l'ami de notre coordinatrice, qui connaît beaucoup de monde dans le parc et qui nous en fait profiter. La douche extérieure étant jugée trop rude pour les filles par le chef du refuge, nous sommes autorisées, moi et les copines à nous doucher à l'intérieur. Je crois que les garçons garderont un fort souvenir de leur toilette de ce soir là, marquée par l'injustice (mais comique) de la situation et le froid glacial de l'eau. La soirée se termine sur une partie de ping-pong avec le gardien après qu'il nous ait offert la soupe, pour tout le monde cette fois...

    Lundi, 9h

    Notre troisième jour sera l'étape la plus facile. 9 km seulement et 4h de marche. Nous décidons de partir tôt pour arriver le midi au camping Perros et profiter de l'après-midi pour nous reposer.

     

    Le chemin est assez facile, petit sentier dans les bois presque sans monter ni descente. Nous restons silencieux pour tenter d'apercevoir un « huemul », cervidé en voie de disparition mais qui subsiste dans le parc. Mais ce ne sera encore pas pour cette fois-ci. Les derniers km nous paraissent très long.

     

     

                 

    Après la forêt, nous arrivons sur une étendue de cailloux et de rochers, dominée par une montagne se terminant par un glacier. Il fait très froid, il y a beaucoup de vent et, malgré la beauté du paysage, la faim commence à me tenailler sérieusement alors je continue.

    Il est 15h quand nous arrivons à destination. Le camping est sous les bois, il n'y a que des douches froides, des toilettes pas très propres et des gérants qui fument... beaucoup. Malgré cela, un abri de fortune nous attends mais le poêle à l'intérieur est éteint. Aurélien est à moitié malade, il part se coucher tout de suite après manger. Je le rejoins peu après, il y a beaucoup de vent, rien de tel qu'une bonne sieste pour se remettre !!

    Nous attendons notre étape du lendemain avec quelques appréhension. 22km et 650 mètres de dénivelé nous attendent avec le passage d'un col. Impossible de savoir le temps que cela va nous prendre, les informations ne sont pas les mêmes partout... Le soir, nous nous couchons tôt mais en ayant chaud ! Les garçons ont réussi tant bien que mal à allumer le poêle, grâce à mon aide indispensable...

     

    Mardi, 6h30

    Tutututututututu le réveil sonne. Il est 6h30, il fait encore nuit, on remballe les tentes à la lampe frontale. Aurèl est parti faire cuire l'avoine et l'eau pour le thé alors je me bats avec le vent pour plier la tente. Nous avons de la chance, il ne pleut pas ! A 8h nous sortons du camping. Mais ça commence mal, le sentier est peu entretenu et nous devons enjamber des troncs d'arbre et sauter des rivières remplies de boues. Avec Fannie, nous en profitons donc pour râler un maximum sur la CONAF (l'organisation qui s'occupe de l'entretien du parc). Je manque de tomber plusieurs fois mais ce n'est vraiment pas le moment alors on redouble de prudence.

    Plus tard, la forêt se raréfie, le chemin est maintenant caillouteux mais le vent est revenu et se fait de plus en plus fort. Nous apercevons le col que nous avons à monter. Nous devons maintenant nous arrêter régulièrement car les bourrasques sont trop fortes et pourraient nous faire tomber. 

    Les garçons sont partis devant, mais Béa, notre dernière arrivée au volontariat est derrière alors nous tentons de l'attendre. Nous finissons par l'apercevoir mais il fait tellement froid que nous décidons de continuer. D'autres personnes la suivent sur le chemin, elle n'est donc pas seule en cas de problème. Lors d'un arrêt, ma polaire pourtant bien attachée sur le haut de mon sac s'envole.

     

     

    Je jure, râle, crie tout en courant pour la rattraper. Mais du coup, j'ai perdu Fannie de vue. Je reprends mon chemin tant bien que mal, en m'arrêtant régulièrement pour manger (quand même) une petite barre de céréales ! L'arrivée au col est terrible. Je n'ai aucune idée de la vitesse du vent mais il souffle suffisamment fort pour empêcher d'avancer.  

     

    Je m'arrête en espérant une accalmie. En vain ! La capuche jusqu'au dessus du nez me permet de respirer, j'avance aussi rapidement que je le peux en me répétant « ça va aller, ça va aller ». Tout à coup, dans la descente après le col, le vent se calme. J'enlève ma capuche et regarde aux alentours. 

    Devant moi, aussi improbable qu'inespéré, à moitié voilé par le brouillard et la pluie, se dresse un monstre de glace qui s'étend à perte de vue. Cette vision me fait l'effet d'une grande claque et calme toute l'exaspération et la peur que j'ai accumulé en passant le col. Le silence qui règne après le vent accentue encore le grandiose de la situation.

    Un peu plus bas, je retrouve toute l'équipe, sauf Béa qui était derrière moi. Nous décidons de l'attendre. Elle arrivera une demi-heure plus tard, toujours avec le sourire et deux énormes bâtons qui l'aident à marcher.

    Il n'est que 10h30 et j'ai l'impression que nous sommes déjà en fin de journée tellement l'épreuve a été rude ! Nous décidons de nous arrêter au camping Paso pour manger après une descente qui nous paraît interminable, glissante et pluvieuse, et qui nous permet une fois de plus de râler tout ce qu'on peut ( « mais il est où ce p... de camping ? », « ils me paraissent bien long ces 1,5km... »). La pause du midi nous permet de retrouver le beau temps. Une chance car le glacier est bien plus beau sous le soleil. Le reste du chemin me paraît très facile. Nous nous arrêtons souvent pour observer ce fantastique paysage. Malgré tout, c'est ma première vision du glacier après le col et sous la pluie qui me semble encore aujourd'hui la plus impressionnante.

    Nous croisons plusieurs personnes qui nous disent que nous sommes très courageux d'avoir passé le col ce matin, et là, je me sens fière de moi !

                                  

    Après quelques passages sur des échelles, nous arrivons au refuge Grey vers 19h. Nous sommes parti du Perros ce matin à 8h, nous avons donc marché à peu près 10h et les courbatures du lendemain nous le rappelleront aisément...       

      

                                                  

      

    Mercredi, 8h30

    Dernière étape de notre périple. Nous devons être au refuge Cuernos ce soir pour reprendre le travail demain matin. Pour y arriver, il nous reste 25km. Ça va être dur mais la perspective d'une bonne douche et d'un vrai repas me motivent. Et puis, ça ne peut pas être pire que la veille ! Dans la matinée, le soleil nous permet de profiter des derniers points de vue sur le glacier.

     

    Nous arrivons rapidement sur la partie du parc qui a brûlé en Décembre dernier (un bête accident de papier toilette brûlé par un randonneur, qui a tout de même cramé 18000 hectares). Paysage désertique et triste, il ne reste plus grand chose de la végétation encore présente il y a quelques temps. (voir le reportage sur l'incendie) Nous mangeons au Paine Grande qui n'a pas brûlé avec le reste. Nous arrivons à la fin de nos vivres, il est temps d'arriver. Mais pour cela, il nous reste encore 13km à faire en une après-midi. Les garçons sont partis devant car ils veulent être arriver pour la « once » (le goûter). Moi aussi j'aimerais bien mais je suis drôlement fatiguée ! Je décide de le tenter quand même et je tire sur mes jambes. Une bonne moitié du chemin consiste en la partie la plus facile du parc. Aucun dénivelé et un chemin très agréable qui me permet d'observer los Cuernos et les lacs en contrebas. 

     

    Il fait un temps magnifique et je pousse même jusqu'à me mettre en T-shirt ! J'avance vite, la motivation de la douche et du goûter me donnent des ailes je crois bien. La dernière partie du chemin, nous la connaissons par cœur car nous avons travaillé dessus. Une ou deux descente ardues qui débouchent sur la plage d'un lac aux couleurs magnifiques. Je m'y arrête 5 minutes et je reprends la route pour la demi-heure qu'il reste.

     

     

    A 17h40, je passe la porte du refuge. J'ai mis 3h pour faire les 13km, les garçons sont drôlement impressionnés. N'empêche que je payerai cet exploit jusqu'à la semaine suivante : crevée et avec des courbatures partout ! Mais j'ai gagné mes tartines de once, la douche chaude et le repas préparé par Luis...

     

     

     

    Les autres ne tardent pas à rentrer non plus. Bruno est resté un peu plus haut au camping pour visiter la Vallée Francès qu'il n'a pas encore vu. Fannie repart le lendemain pour aller à Buenos Aires. Nous restons à quatre pour travailler encore 11 jours sur les sentiers. C'est déjà fini mais comme disent tous les T-shirt en vente dans les refuges : « I survived to the O ».

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  • Commentaires

    1
    Madelinette
    Dimanche 1er Avril 2012 à 22:48

    Bravo!!!! Quel courage, pour tous ces kilomètres avec une météo assez fraîche. Mais tu as réussi et tu garderas en mémoire tout ce que tu as vu et vécu avec les autres.

    Ne présumez pas de vos forces et pensez à vous ménager de vrais temps de repos, à vous faire dorloter et à profiter pleinement!

    Bises et bonne croisière ; on pense très fort à vous

    2
    Dimanche 1er Avril 2012 à 22:56

    Alors là, je suis littéralement resté scotché au commentaire. Chapeau Justine, chapeau les filles... J'en suis baba ! Mais après tout cela que de merveilleux souvenirs et que d'expériences enrichissantes engrangées à vie ! Je suis heureux pour vous toutes et tous. Avec une toute petite pointe de regret et d'envie. Mais on ne peut être et avoir été... Nous avons eu aussi nos aventures d'un autre ordre mais qui nous ont fait également avancer. Quel bonheur de lire Justine et ses commentaires bruts de décoffrage et si plein de réalisme. Merci encore de nous faire partager vos aventures du bout du monde avec tant de simplicité. Oui : gros gros bisous très affectueux de ceux qui vous suivent... de trop loin !!!

    3
    Véro Delaby
    Dimanche 1er Avril 2012 à 23:58

    Quelle magnifique mer de glace ! impressionnant de beauté ... et quelles photos !! Je crois que "question montagne" vous êtes passés pro !! Ju , on a  bien fait de te mettre des "minis" chaussures de montagne pour tes 2 ans ...! depuis tu as fait du chemin !! Bisou à vous 2 et n'oubliez pas d'être prudents malgré tout !!

    4
    TT
    Lundi 2 Avril 2012 à 00:31

    Nous n'avons pas vecu le meme O mais ces moments avec toi, vous, etaient vraiment geniaux. J'espere que tu as compris qu'il ne sert a rien de s'inquieter au prealable. Pour moi, cette rando etait geniale et j'en garderai un excellent souvenir pour les paysages somptueux bien sur, mais aussi parce que j'ai partage cela avec des gens bien et que je me suis beaucoup amuse.

    En tout cas, joli recit et belle plume :)

    5
    PAPYR7NE
    Lundi 2 Avril 2012 à 19:16

    BRAVO  on est baba devant vos exploits, vous allez nous revenir hyper musclés ... gardez vous aussi des moments de repos ,pour tenir bon!! Hier j'avais repépé suir le programme télé de la chaine VOYAGE un reportage sur les Andes et la Patagonie nous y avons retrouvé des paysages et glaciers qui nous ont dit quelque chose, depuis que nous recevons vos magnifiques photos. On va mieux connaitre ce beau pays.

    Bon courage pour la suite et gros bisous. 

    6
    Madelinette
    Lundi 2 Avril 2012 à 22:26

    Tu as un don pour nous faire partager vos aventures avec humour, même dans des circonstances un peu délicates et parfois périlleuses .... Faites attention à vous et pensez à vous reposer de temps en temps.

    Bises et bon vent pour la suite.

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